Phil La Marmotte

4 – Les placements en urgence qui dure, un paradoxe !

 

Ch. Est un enfant âgé de dix ans, il nous a été adressé par la STASE qui, 45 minutes avant de nous l’amener, nous a téléphoné en nous donnant de manière très synthétique les informations le concernant.

 

28 janvier 2000

 

Cet enfant nous est amené dans le cadre du SAU (le foyer doit accueillir toutes les urgences quelqu’elles soient) quoique le foyer soit au complet (20 lits + 4 urgences) . La STASE nous promet alors que dans les trois jours qui suivront, Ch. sera réorienté vers un autre lieu plus approprié. Nous accueillons, Ch. un peu avant les vacances et bien sûr, pour le temps qui lui reste à être parmi nous, il ne sera pas inscrit dans une école.

Ch. ne pose pas réellement de difficultés, bien qu’il ait une demande importante de l’adulte pour qu’on s’occupe de lui car sans les enfants, les journées sont longues.

Les deux éducateurs présents dans la journée, vaquent à leurs occupations (rendez-vous divers, réunions…) et sont peu disponibles.

Ch. dormira pendant six jours dans la salle TV, tous les lits étant occupés.

Nous parons au plus urgent avec lui, et nous le laissons se poser tout en lui indiquant son départ proche.

 

4 février 2000

 

C’est la période des vacances nous lui prêtons la chambre d’un enfant parti en famille pour les trois ou quatre jours où il sera là car d’après la STASE son départ devait être imminent.

Ch. s’adapte à nouveau à sa nouvelle chambre et les vacances ne lui posent  pas trop de problèmes d’inactivismes puisque les éducateurs organisent toujours des ateliers ou activités diverses.

Ch. s’adapte alors très rapidement au rythme du foyer.

De mon côté je pars en camp avec deux collègues et six enfants de l’étage où Ch. est dépendant.

11 février 2000

 

A notre retour de camp, nous constatons toujours la présence de Ch.

L’enfant qui lui avait prêté sa chambre est aussi de retour.

Ch. se voit donc dans l’obligation de déménager à nouveau et nous installons alors un lit supplémentaire dans la plus grande des chambres de notre étage.

Nous apprenons aussi, que cet enfant a fugué deux fois depuis notre départ.

Ch. ne pose pas de problèmes de comportement réel, c’est un enfant calme, serviable mais qui ne comprend pas le sens de ce qui lui arrive.

 

20 février 2000

 

Ch. à mon grand étonnement, est toujours ici, dans l’attente d’un départ imminent d’après ce que lui aurait dit la chef de service.

Ch. m’a dit qu’il se sentait bien ici et qu’il resterait bien parmi nous.

Il est vrai que depuis le temps et malgré le fait que nous insistions auprès de lui sur le fait qu’il était en partance, Ch. entendait ce que nous disions, mais n’écoutait pas réellement car parallèlement à cela il s’était installé.

 

24 février 2000

 

Ch. est toujours ici, son comportement ne pose pas de problème. Sa demande vis à vis de l’adulte est grande pour qu’on s’occupe de lui.

Il hante dans la journée le foyer, les autres enfants étant eux à l’école, les vacances étant terminées.

 

 

 

22 février 2000 « Ch. à l’ordre du jour de la réunion ! »

 

Ch. est toujours là, pas de projets peu d’information.

Cet enfant continue à hanter le foyer, s’occupant tant bien que mal chaque journée qui lui paraient de plus en plus longue.

Son comportement devient agressif, mais comment ne pas l’être ?

Comment pourrait il en être autrement, Ch. n’est inscrit dans rien, comment pourrait il s’inscrire dans un comportement stable ?

Notre agrément, puisque c’est de cela qu’il s’agit est de 20 enfants et 4 en accueil d’urgence pour une durée de 5 jours maximum.

Ch. est là depuis presque un mois et se retrouve être l’enfant dépassant l’agrément (25ème enfant).

Ch. fait l’objet d’une prise d’otage, chacun campant sur ses positions, l’ASE contre l’équipe éducative qui refuse un 25ème enfant pour permettre un fonctionnement et un travail efficace auprès des enfants. Nous sommes dans un paradoxe, nous sacrifions Ch. pour le bien des autres !

 

29 février 2000 Enfin une décision !

 

Après moult débats concernant le « cas Ch. », nous  décidons tous d’inscrire cet enfant dans une école proche du foyer en CM2. En effet, nous ne pouvons accepter plus longtemps une telle maltraitance.

A cette annonce, Ch. paraît un peu angoissé de se réadapter dans une école mais dit alors  avec un grand sourire : «  Je reste ici alors ? avec un sourire. »

Notre réponse est alors très claire : « Pour le moment oui ! Mais nous ne savons pas pour combien de temps ! ».

Aux dernières nouvelles Ch. serait dirigé vers un autre foyer dans deux jours !